Soft Law et recours pour excès de pouvoir

S

 

CE, 21 mars 2016, n° 368082 et 390023 : Commentaire du Professeur Pierre-Grégoire Marly, LEDA Mai 2016, p. 7.

 

EXTRAIT

 

« Quoiqu’elles ne les concernent pas directement, les décisions rapportées intéresseront vivement le secteur de l’assurance et son régulateur. En effet, la Conseil d’Etat s’y prononce sur la recevabilité du recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’actes non décisoires émanant de deux autorités administratives indépendantes : d’une part, un communiqué de l’Autorité de marchés financiers mettant en garde les investisseurs sur les activités d’une société et, d’autre part, une prise de position de l’Autorité de la concurrence sur les modalités d’application d’une injonction antérieurement édictée.

Ces deux actes ont en commun de ressortir au droit « souple » qui, à mi-chemin entre le droit « dur » et le non-droit, tend à modifier ou à orienter le comportement de ses destinataires sans pour autant créer de droits ou d’obligations (Comp. CE, Le droit souple, Etude annuelle 2013).

A défaut de modifier l’ordonnancement juridique, ces actes sont traditionnellement insusceptibles d’un recours pour excès de pouvoir, nonobstant la circonstance qu’ils puissent faire grief à un administré. Certes, la haute juridiction administrative fut conduite à excepter de ce principe les actes revêtant le caractère de dispositions générales et impératives ou énonçant des prescriptions individuelles dont l’auteur pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance (CE, 11 oct. 2012, n° 357193 et n° 346378). Cette exception procédait toutefois par assimilation des actes litigieux à des actes décisoires, du droit « souple » au droit « dur ».

Dans les arrêts commentés, le Conseil d’Etat s’affranchit de cet artifice pour réputer justiciables du recours pour excès de pouvoir les actes non décisoires des autorités de régulation dès lors « qu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ». »( …)