Le devenir des conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI)

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Le devenir des conseillers en gestion de patrimoine indépendants, Revue Trimestrielle de Droit Financier (RTDF) 2010/3, à paraître


RESUME

« En quête d’identité, les conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI) ont peut-être franchi une étape décisive avec le dépôt à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à les revêtir d’un statut spécifique[1].

En son premier article, le texte examiné définit le conseiller en gestion de patrimoine comme « toute personne qui a pour mission d’analyser le patrimoine des particuliers et des entreprises, d’élaborer et de proposer des stratégies, d’en assurer la mise en place et le suivi si nécessaire en assurant la sélection et la diffusion des supports d’investissements, auprès de clients, en toute indépendance ». A l’examen, cette définition n’a de sens que complétée par la disposition suivante :

« Nul ne peut prétendre au titre de « conseiller en gestion de patrimoine » s’il ne satisfait aux conditions suivantes :

1° Pour exercer la profession de conseiller en gestion de patrimoine, le professionnel doit exercer plusieurs activités, dont certaines sont réglementées : conseil en organisation et en stratégie patrimoniale ; conseil en investissements financiers (CIF) ; vente de produits financiers (démarcheur bancaire et financier) ; conseil, intermédiation de produits d’assurance ; et transaction immobilière.

2° Bénéficier, cumulativement, 1/ du statut de conseiller en investissements financiers qui doit adhérer à l’une des associations agréées par l’Autorité des Marchés Financiers, 2/ de la Compétence Juridique Appropriée (CJA) telle que définie par l’arrêté du 19 décembre 2000, renvoyant à la loi du 31 décembre 1971, modifié par l’arrêté ministériel du 18 décembre 2003, 3/ du statut de démarcheur bancaire et financier inscrit sur le fichier des démarcheurs bancaires et financiers tenu par la Banque de France, 4/ du statut de courtier d’assurance inscrit auprès de l’ORIAS en qualité de courtier en assurance, 5/ du statut d’agent immobilier titulaire d’une carte professionnelle délivrée par la Préfecture(loi n° 70-9 dite « loi Hoguet »).

3° Exercer sa profession indépendamment de tout lien de subordination juridique, économique ou capitalistique, à titre individuel ou au sein de structures sociétaires, ou bien en qualité de collaborateur d’un autre conseiller en gestion de patrimoine. […] »

Il convient d’observer, d’une part, que les CGPI s’arrogerait le titre même de conseiller en gestion de patrimoine (CGP) qu’aujourd’hui ils partagent notamment avec les réseaux salariés de banque. En d’autres termes, seuls les CGPI pourraient prétendre à la dénomination de CGP.

D’autre part, ce titre supposerait le cumul de cinq prestations réglementées là où, majoritairement, les actuels CGPI embrassent un champ d’activité plus restreint. Par ailleurs, en imposant une pluralité de statuts au sein même du statut de CGPI, la proposition de loi ne règlerait en rien l’imbroglio normatif auquel sont confrontés les professionnels concernés. Au contraire, elle ajouterait à celui-ci un nouveau maillon de conditions d’accès et d’exercice. Enfin, les divers statuts requis ne reposent pas sur une conception uniforme du conseil. Ainsi, le conseil en investissement est un service financier à part entière que seuls réalisent certains prestataires agréés à cet effet, tandis que le conseil en assurance vie est une diligence qui incombe à tout intermédiaire d’assurance ou, à défaut, toute entreprise d’assurance vie.

La proposition de loi ambitionne également de créer un « Conseil supérieur des conseillers en gestion de patrimoine ». Cette instance collégiale serait tout à la fois une autorité de contrôle et un organe de sanction, bien que l’on saisisse mal comment elle réaliserait ces missions sans empiéter sur les compétences respectives de l’ACP et de l’AMF.

Quoi qu’il en soit, avant même que d’être discutée au Parlement, la proposition de loi précitée souffre d’un sérieux désaveu du Gouvernement, tel qu’exprimé dans une récente consultation sur la mise en œuvre du Rapport « Deletré 2 ».  Au lieu d’un statut propre aux seuls CGPI, ce document préconise de créer « une appellation de « conseillers en gestion de patrimoine » qui concernerait d’une part les personnes enregistrées comme intermédiaire d’assurance ou comme CIF. L’appellation de « conseiller en gestion de patrimoine » pourra également, sous certaines conditions définies par décret, être utilisée par des salariés des établissements de crédit ainsi que des salariés des entreprises d’assurance. » Et de conclure : « Il n’apparaît donc pas nécessaire de créer un nouveau statut qui serait redondant avec les statuts d’ores et déjà existants et qui ajouterait à la complexité au détriment de la lisibilité pour les clients. »

Un temps vouée au projet de loi de régulation bancaire et financière, cette proposition n’a finalement pas été retenue par la Commission des finances du Sénat, pas plus que celle visant à soumettre les CGP au seul contrôle de l’Autorité des marchés financiers. Au fond, ladite Commission préfère le maintien de la diversité à la consécration d’une unité : au lieu d’obéir à un régime spécifique, les prestataires visés continueraient d’être soumis à plusieurs statuts dont la différence devrait toutefois s’amenuiser par l’instauration d’une immatriculation unique et l’harmonisation des règles de commercialisation.

A l’analyse, cette démarche est de loin préférable à l’établissement d’un improbable statut unitaire qui n’aurait pas même vocation à supplanter ceux auxquels les CGPI sont d’ores et déjà assujettis. »



[1] Proposition de loi visant à donner un statut à la profession de conseiller en gestion de patrimoine, Doc. AN n° 2758, 13 juillet 2010.

Par Pierre-Grégoire Marly