L’action en restitution consécutive à l’exercice infructueux du droit de renonciation est soumise à la prescription biennale

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Commentaire sous Cass. 2ème civ., 24 juin 2010, Pourvoi n° 09-10920, P+B, Banque & Droit 2010, n° 133, p. 41


RESUME

 » Rappelons qu’en vertu de l’article L. 132-5-2 du code des assurances, anciennement L. 132-5-1, lorsque l’assureur méconnait son obligation légale d’information précontractuelle, le délai de renonciation dont bénéficie le preneur au temps de la souscription est automatiquement prorogé jusqu’au trentième jour à compter de la remise des informations défaillantes. Si dans ce délai le souscripteur souhaite se dédire, il en avise formellement l’assureur qui doit alors lui restituer l’intégralité des primes versées au contrat. Toutefois, il est fréquent que ce dernier, contestant la renonciation qui lui est adressée, refuse d’y accéder. En réplique, le souscripteur est-il alors contraint d’assigner son assureur dans le délai de prescription biennal ?

Dans l’espèce commentée, la cour d’appel avait écarté la prescription biennale au motif que l’action du souscripteur en renonciation au contrat et en restitution des primes afférentes  ne dérivait pas du contrat d’assurance, « mais de l’article L. 132.5-1 du code des assurances et donc de la loi, étant relative à une demande de restitution de primes fondée sur un manquement précontractuel et non contractuel de l’assureur à ses obligations d’information ».

Au fond, le raisonnement des juges du fond ne manquait pas de pertinence : comment une action pourrait-elle dériver d’un contrat alors qu’elle vise à faire sanctionner un manquement survenu avant même l’existence de celui-ci ? Cette même logique aurait d’ailleurs inspiré la Première Chambre civile lorsqu’elle décida en 2001 que l’action en responsabilité engagée contre l’assureur pour défaut d’information précontractuelle ne dérivait pas d’un contrat d’assurance. Au contraire, elle n’est guère suivie par la Deuxième Chambre civile qui, dans l’arrêt rapporté, énonce sous la forme d’un attendu de principe : « Attendu que l’action engagée par le souscripteur d’un contrat d’assurance sur la vie ayant renoncé au contrat conformément au second de ces textes [i.e. art. L. 132-5-1 anc.], aux fins d’obtenir la restitution des sommes versées, dérive du contrat d’assurance. »

A l’analyse, cette solution serait cohérente si l’action du preneur visait sa faculté de renonciation dans les trente jours à compter du moment où il a été informé de la conclusion du contrat. En effet, cette faculté ne vient pas sanctionner une faute précontractuelle de l’assureur mais s’apparente à un droit de réflexion du souscripteur après qu’il ait consenti à l’acte, même en pleine connaissance de cause. Au contraire, la prorogation de ce délai initial de renonciation lui assigne une tout autre portée puisqu’elle suppose un défaut d’information précontractuelle dont elle constitue une sanction originale. Partant, l’action afférente à cette sanction ne dériverait pas davantage du contrat d’assurance que l’action en responsabilité fondée sur le même manquement de l’assureur.

Au vrai, la décision annotée traduit une volonté politique, celle d’atrophier l’épais contentieux noué autour de la renonciation tardive aux contrats d’assurance vie. Avant elle, d’autres arrêts ont exprimé cette volonté, comme ceux qui récemment neutralisèrent l’exercice du droit prorogé de rétractation en l’hypothèse d’un rachat total. Le recours à la prescription biennale, quoique théoriquement discutable, s’inscrirait donc dans cette même démarche d’obstruction.

Reste une question qui n’est pas abordée par l’arrêt : où fixer le point de départ de la prescription abrégée dans le cas jugé ? Selon l’article L. 114-1 précité, le délai extinctif s’écoule à compter de l’évènement donnant naissance à l’action envisagée. En l’espèce, cet évènement est-il la découverte par le souscripteur du défaut d’information, l’envoi ou la réception de sa lettre de renonciation, ou encore le refus de l’assureur d’y donner suite ? A l’abord, c’est au premier de ces évènements qu’il faudrait se référer, en ce qu’il marque l’exigibilité du droit que son titulaire peut alors utilement exercer. Toutefois, il pourrait également être avancé que c’est le refus par l’assureur d’accéder à ce droit qui « donne naissance », comme cause immédiate, à l’action judiciaire du preneur ; ce qui, au reste, présenterait l’avantage d’être relativement aisé à dater. « 



Par Pierre-Grégoire Marly