Réflexion sur le paiement des primes par la société souscriptrice d’une assurance de responsabilité des dirigeants (D&O)

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Le paiement des primes par la société : réflexion sur la légitimité d’une pratique, Bulletin Joly Sociétés, Dossier spécial Assurance de responsabilité des dirigeants, Sept. 2010, p. 772


RESUME

« Il se trouvera toujours des tribunes pour dénoncer au plan éthique le fait même qu’un dirigeant déclaré responsable puisse se délester sur un assureur du poids de la réparation dont il est redevable. De même perçoit-on encore l’argument psychologique suivant lequel un dirigeant garanti de ne pas subir les conséquences pécuniaires d’une éventuelle inconduite serait incité à s’y livrer.

Ces assertions, qui ne craignent pas de condamner toute assurance de responsabilité, sont aujourd’hui amplement surannées. Si l’assurance de responsabilité des dirigeants n’est guère contestable en son principe, elle le demeure en revanche au regard de la personne de son preneur. En effet, il est d’usage que celui-ci ne soit pas le dirigeant désireux de s’assurer, mais la société qu’il dirige, voire une autre entité appartenant généralement au même groupe. Par le procédé de l’assurance pour compte, les qualités de souscripteur et d’assuré sont alors disjointes : la première échoit à la société qui contracte avec l’assureur tandis que la seconde revient aux dirigeants sur lesquels pèse le risque couvert. Rapporté à la stipulation pour autrui qui assoit ce mécanisme, il peut encore être énoncé que l’assureur (promettant) s’engage envers la société souscriptrice (stipulant) à reconnaître la qualité d’assuré aux dirigeants visés dans l’acte (tiers bénéficiaires).

L’embarras qu’inspire cette configuration provient de l’identité entre le preneur de l’assurance et le débiteur des primes afférentes. Selon l’article L. 112-1 du code des assurances, le souscripteur d’une assurance pour compte est « le seul tenu au paiement de la prime envers l’assureur ». Quoique cette prescription ne soit pas impérative, il n’y est guère excepté en pratique, d’où une insistante perplexité.

d’aucuns appellent de leurs vœux une légalisation de la prise en charge par la société des primes d’assurance de responsabilité des dirigeants. Plus modestement,  il pourrait être soutenu que cette pratique, inscrite dans la durée par récurrence et agréée par les professionnels concernés, a désormais acquis force coutumière. Une telle proposition vaudrait d’ailleurs de prospérer devant un juge, sauf à ce qu’il y décèle, comme au sujet de tout usage, une simple pétition de principe.

Cependant, la légitimité du financement de l’assurance des dirigeants par la société suppose-t-elle nécessairement l’édiction ou la découverte d’une norme qui l’accréditerait positivement ? Ne se trouve-t-il pas au sein même du droit positif les moyens de dissiper la crainte de l’illicite ? C’est à y répondre que s’emploie le présente article. »



Par Pierre-Grégoire Marly