Renonciation abusive au contrat d’assurance-vie : enfin le revirement de jurisprudence !

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Civ. 2, 19 mai 2016, n° 15-12767, Bull. : Commentaire par le Professeur Pierre-Grégoire Marly, LEDA Juillet 2016, p. 1

 

EXTRAIT

 » Il aura fallu dix ans à la Cour de cassation pour qu’elle réforme sa jurisprudence selon laquelle « l’exercice de la faculté de renonciation prorogée, ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l’assuré des documents et informations énumérés par ce texte (i.e. C. ass. art. L. 132-5-1) est discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise. » (Cass. 2ème civ., 7 mars 2006, n° 05-12.338 et n° 05-10.366, Bull. II n° 63 p. 57). Il faut dire que, dans l’intervalle, le législateur a lui-même réfuté cette position prétorienne en ajoutant expressément la condition de bonne foi au sein de l’article L. 132-5-2 du code des assurances (L. n° 2014-1662 du 30 décembre 2014, art. 5 : LEDA Février 2015, p. 1, obs. P.-G. Marly). Si cette modification textuelle n’était pas applicable au litige examiné, elle devait toutefois inciter la Haute juridiction à se prononcer en cohérence avec elle.

(…)

La Cour régulatrice met fin à la confusion entre arbitraire et discrétionnaire : pour n’être subordonné à aucun motif, l’exercice du droit de renonciation n’en demeure pas moins susceptible d’abus. Celui-ci est ainsi consommé lorsque la répudiation du contrat est détournée de sa finalité et qu’au lieu de protéger le consentement du preneur mal informé, elle lui permet d’échapper au risque financier qu’il a pris en connaissance de cause. Selon les hauts magistrats, un tel détournement est apprécié en fonction de la « situation concrète » du renonçant, sa « qualité d’assuré averti ou profane » et les « informations dont il dispose réellement ».

Ces éléments présument-ils la mauvaise foi du souscripteur ou faut-il pour l’établir caractériser de surcroît un élément intentionnel ? Au fond, est-ce l’abus « par déloyauté » ou « par détournement » qui doit ici être sanctionné (sur cette distinction, cf. Ph. Stoffel-Munc, L’abus dans le contrat, Essai d’une théorie, LGDJ, 2000) ? Curieusement, ces deux conceptions de l’abus semblent à l’œuvre dans l’arrêt commenté. » (…)