Actualité jurisprudentielle autour de la faculté de renonciation en assurance vie

A


Commentaire du Professeur Pierre-Grégoire Marly sous Cass. 2ème civ., 13 janv. 2012 (11-10908) et Cass. 2ème civ., 9 fèv. 2012 (11-13707), Banque et Droit 2012, n° 142, p. 38.


RESUME

A la faveur d’un contentieux pléthorique, la Cour de cassation a précisé au fil des ans le régime applicable au délai de renonciation prorogé dont jouit le preneur à raison d’une information précontractuelle défaillante[1].

La Cour régulatrice affirme depuis 2006 que cette renonciation est d’exercice « discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise »[4]. Telle est, en substance, l’assertion maladroitement réitérée par la décision sous commentaire lorsqu’elle affirme que le défaut de remise d’un document distinct des conditions générales et particulières du contrat ne peut « être mis en échec par la mauvaise foi du souscripteur ou de l’adhérent assuré »[5]. A l’évidence, ce n’est pas la non-délivrance du document légalement requis, mais l’exercice subséquent de la renonciation qui est indifférent à la mauvaise foi de son auteur.

Reste que cette indifférence ne laisse pas de déconcerter, qui offre spécialement aux preneurs d’assurances à capital variable de ne pas subir l’aléa financier auquel ils ont primitivement consenti, fût-ce en parfaite connaissance de cause. En outre, la solution conduit à ériger en véritable solennité contractuelle un simple formalisme informatif.

Cela étant, la renonciation est privée d’effets en présence d’un rachat total, que celui-ci soit opéré postérieurement[6] ou antérieurement[7]. Après quelque hésitation, le fondement de cette solution semble gésir dans l’anéantissement du contrat par son entier rachat. Toutefois, cet anéantissement est tourné vers l’avenir, de sorte qu’il ne devrait théoriquement empêcher une renonciation antérieure de prospérer. Au vrai, quelle que soit la date du rachat total, celui-ci neutraliserait la rétractation en ce qu’il manifesterait l’intention du souscripteur d’y renoncer.

Tel est le raisonnement prévalant en présence d’actes d’exécution réalisés postérieurement à l’exercice de la renonciation, comme l’affectation en garantie de l’assurance par nantissement du contrat[8] ou délégation de l’assureur[9]. A chaque fois, ces opérations exprimeraient la renonciation du preneur au dédit entrepris, et l’on concevrait d’ailleurs qu’elles paralysassent tout autant un dédit futur. Pour autant, la volonté abdicative du souscripteur étant seulement présumée de l’exécution du contrat, certaines circonstances peuvent la démentir comme l’illustre le second arrêt rapporté[10]. En l’espèce, des rachats partiels furent effectués alors que leurs auteurs attendaient l’issue de l’instance qui devait valider au non la renonciation qu’ils avaient exercée. Les juges du fond sont approuvés d’en avoir déduit que les rachats partiels ne pouvaient ici valoir renonciation des souscripteurs à se prévaloir de la faculté de renonciation.

La même décision rappelle également que l’action en restitution des primes, suite à l’exercice infructueux de la renonciation, est soumise à la prescription biennale[11] dont le dies a quo est fixé au jour du refus exprimé par l’assureur dans le délai de trente jours que lui est légalement imparti[12] ou, dans le silence de l’assureur, à l’expiration de ce délai.



[1] Cf. A. Brès, « Précisions jurisprudentielles sur la faculté de renonciation au contrat d’assurance vie » : LPA, 22 mars 2010, n° 57, p. 8 ; P.-G. Marly, « L’évolution du contentieux relatif à la faculté de renonciation dans l’assurance vie » : RTDF 2010/1, p. 82.

[4] Cass. 2ème civ., 7 mars 2006, n° 05-12338, n° 05-10366 et 05-10367. La solution a été étendue aux assurances de groupe : Cass. 2ème civ., 10 juillet 2008, n° 07-12072, n° 07-12070 et 12071.

[5] Cass. 2ème civ., 9 février 2012, pourvoi n° 11-13707.

[6] Cass. 2ème civ., 11 sept. 2008, n° 07-16149 : Banque et Droit 2009, n° 123, p. 59, note P.-G. Marly.

[7] Cass. 2ème civ., 19 fév. 2009, n° 08-12280 : Banque et Droit 2009, n° 125, p. 58, note P.-G. Marly. En dernier lieu : Cass. 2ème civ., 15 déc. 2011, n° 10.27703 : LEDA Fév. 2012, obs. M. Leroy.

[8] Cass. 2ème civ., 4 fév. 2010, n° 08-21367 et n° 09-10311

[9] Cass. 2ème civ., 25 fév. 2010, n° 09-11352 : Banque et Droit 2010, n° 130, p. 41, note P.-G. Marly.

[10] Cass. 2ème civ., 13 janvier 2012, pourvoi n° 11-10908.

[11] En ce sens : Cass. 2ème civ., 24 juin 2010, n° 09-10920 : Banque et Droit 2010, n° 133, n° 41, note P.-G. Marly.

[12] C. ass., art. L. 132-5-1.

[13] Cf. Cass. 2ème civ., 7 juillet 2011, n° 10-20857 ; Cass. 2ème civ., 24 nov. 2011, n° 10-25868 : Banque et Droit 2011, n° 141, p. 49, note M. Lero ; RDBF 2012, comm. 18, note D. Djoudi.