Du pouvoir de recommandation de l’ACP (A propos de la Recommandation sur la commercialisation des contrats d’assurance vie en unités de compte constituées de produits financiers complexes)

D

Commentaire sous la Recommandation ACP n° 2010-R-01 du 15 octobre 2010, Revue Trimestrielle de Droit Financier, 2010/3, à paraître


RESUME

« Avant qu’elles ne fusionnent, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) et la Commission bancaire ne pouvaient émettre de recommandations qu’individuelles à l’endroit des organismes placés sous leur surveillance. Au reste, ces mesures préventives étaient étroitement destinées à inciter les entreprises concernées au renforcement de leur situation financière, l’amélioration de leur gestion ou l’adéquation de leur organisation à leurs activités ou leurs objectifs de développement.

Sous l’égide de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), ce pouvoir de recommandation sert la protection des consommateurs, en quoi il élargit doublement son objet : ratione materiae, il s’étend aux pratiques commerciales, ratione personae, il s’adresse à la collectivité d’un secteur donné. Si cette soft law offre un outil normatif idoine pour éclairer des problématiques particulière, elle ne laisse pas d’interroger sur son exacte portée juridique.

Quoi qu’il en soit, l’ACP vient de publier une recommandation sur la commercialisation des contrats d’assurance vie en unités de compte constituées d’instruments financiers complexes. L’initiative s’inscrivant dans le cadre du pôle commun formé par l’ACP et l’AMF, cette dernière a pris parallèlement une position sur la vente directe de ces mêmes produits.

Sont visés les OPCVM à formules, tels que définis à l’article R. 214-27 du code monétaire et financier, ainsi que les titres de créance complexes, comme les Euro Medium Term Notes (EMTN), décrits comme « des produits structurés sous forme de bons d’option côtés (en continu) sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, donnant le droit (et non l’obligation) d’acheter ou de vendre un actif choisi, à un prix fixé dés l’émission et pendant une période déterminée ».

Lorsque ces actifs singuliers forment les supports de référence d’un contrat d’assurance libellé en unités de compte, l’ACP estime que les souscripteurs potentiels risquent fort de ne pas saisir le ressort technique de l’opération envisagée et de mésestimer l’aléa financier auquel ils s’exposeraient en contractant. C’est pourquoi, elle souhaite préciser « les conditions dans lesquelles les organismes d’assurance et les intermédiaires pourront respecter leurs obligations législatives et réglementaires en matière d’information et de conseil ». Au vrai, le texte augmente sensiblement ces obligations plus qu’il ne les précise, d’où l’aveu implicite d’une relative carence du nouveau dispositif d’information et de conseil tel qu’en l’état il s’applique.

Sur la forme, le texte rappelle clairement ce dispositif avant de décliner les critères alternatifs devant permettre aux professionnels d’identifier les contrats révélant un « risque de mauvaise commercialisation ». Pour les contrats concernés, suit la recommandation proprement dite, départie entre quatre variétés d’actifs complexes auxquelles des unités de compte pourraient être adossées.

Pour chacune d’elles, l’ACP invite les assureurs et leurs intermédiaires à des diligences particulières :

– fournir, de manière compréhensible, dans tous les documents remis au souscripteur les informations lui permettant de comprendre la nature de l’unité de compte, ainsi que les risques encourus ;

– être en mesure de justifier auprès de l’ACP des moyens mis en oeuvre pour permettre au souscripteur de comprendre que l’unité de compte proposée constitue un placement risqué ;

– recueillir par tout moyen approprié à la nature de la clientèle la preuve que le souscripteur comprend la nature du support proposé comme unité de compte ainsi que les risques y afférents ;

– enfin, donner des informations exactes, claires et non trompeuses au souscripteur au sujet des garanties offertes par le contrat dans les cas de sortie anticipée, qu’il s’agisse du décès de l’assuré ou d’un rachat total ou partiel avant le terme.

En ces termes, la recommandation devrait immanquablement produire un effet dissuasif. Car, à sa suite, de deux choses l’une : soit les professionnels seront décourager de proposer les contrats visés, soit les consommateurs seront incités à ne pas les souscrire… »


[1] Sur la création de ce pôle commun : P.-G. Marly, Banque & Droit 2010, n° 131, p. 59.



Par Pierre-Grégoire Marly