Article rédigé par le Professeur Pierre-Grégoire Marly et publié dans la Tribune de l’assurance, septembre 2015.
EXTRAIT
(…) » Entre autres singularités, le nouveau régime érige la gouvernance en instrument de maîtrise des risques au même titre que les exigences quantitatives[1]. En ce sens, les normes ramassées autour du pilier 2 intiment aux entités assujetties de garantir une gestion saine de leur activité par une organisation idoine où sont déployés deux systèmes, l’un dédié à la gestion des risques et l’autre au contrôle interne[2]. Ces systèmes, proportionnés à la taille et l’activité de l’entreprise, sont servis par quatre fonctions clés que la directive conçoit comme des « capacités administratives de remplir certains tâches de gouvernance »[3] : la fonction de gestion des risques, la fonction d’audit interne, la fonction actuarielle et la fonction de vérification de la conformité[4].
Ces fonctions, comme les activités de l’assureur, peuvent être externalisées auprès de tiers, ce que les textes européens qualifient maladroitement d’opérations de « sous-traitance ». Au vrai, l’externalisation désigne ici plus largement « un accord, quelle que soit sa forme, conclu entre une entreprise et un prestataire de services, soumis ou non à un contrôle, en vertu duquel ce prestataire de services exécute, soit directement, soit en recourant lui-même à l’externalisation, une procédure, un service ou une activité, qui serait autrement exécuté par l’entreprise elle-même »[5]. A l’évidence, un tel accord ne saurait dispenser l’organisme d’assurance des obligations qui lui incombent tant à l’égard de sa clientèle que du régulateur[6]. C’est pourquoi, les règles de gouvernance introduites par la réforme Solvabilité 2 lui assignent un régime qui est d’autant plus strict que les prestations externalisées sont versées dans la catégorie des fonctions « importantes ou critiques ».
- Les règles élémentaires
Telle que définie par la loi, l’externalisation s’entend de toute convention par laquelle l’assureur confie, directement ou indirectement, une partie de ses activités ou de ses fonctions à un prestataire qui peut être une entité du même groupe ou un tiers à celui-ci. En d’autres termes, ce procédé doit permettre à l’assureur de se délester des prestations qu’en l’absence d’externalisation il réaliserait lui-même. Partant, le recours à un conseiller technique aux fins d’assistance dans certaines fonctions ne relèverait pas de l’externalisation dés lors que l’assureur continuerait d’assumer celles-ci. Au contraire, l’intermédiation en assurance y ressortirait, sous réserve que l’intermédiaire agisse pour le compte de l’assureur[7]. Seraient ainsi visés les agents généraux et les mandataires d’assurance, à l’exclusion des courtiers dont l’indépendance semble peu compatible avec les règles d’externalisation[8].
Toutefois, il advient fréquemment qu’à la faveur de certaines prestations, le courtier représente l’assureur vis-à-vis des assurés. Du reste, même soustrait au régime de l’externalisation, la relation entre l’assureur et le courtier est impactée par le référentiel Solvabilité 2 : sa contractualisation devra désormais intégrer les éléments nécessaires à la maitrise par l’assureur de tout risque afférent. Ce n’est d’ailleurs pas fortuit si la Cour de cassation a récemment affirmé que la clause de commissionnement variable d’un courtier en fonction des performances de sa gestion « participe des mécanismes de maitrise du risque opérationnel dont l’assureur doit conserver le contrôle »[9]. (…)
[1] Dir. 2009/138/CE, préc., cons. n° 29.
[2] C. ass., art. L. 354-2.
[3] Dir. 2009/138/CE, préc., cons. n° 31.
[4] C. ass., art. L. 354-1.
[5] C. ass., art. L. 310-3, 13°.
[6] C. ass., art. L. 354-3, al.1.
[7] EIOPA, Orientations relatives au système de gouvernance, 2013, orient. n° 45, 1.84.
[8] Comp. ACPR, Position relative à l’application du règlement n°97-02 à l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, 2013-P-01, 13 nov. 2013.
[9] Cass. 1ère civ., 18 févr. 2015, n° 13-28278 : JCP E 2015, n° 27, 2 juillet 2015, p. 36, obs. P.-G. Marly.