Fusion de fonds en euros et modification contractuelle

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Décision ACPR n° 2016-02 du 7 février 2017, commentaire par le Professeur Pierre-Grégoire Marly in LEDA mars 2017, p. 5

 

EXTRAIT

 

« De nombreux organismes d’assurance-vie proposent à leurs souscripteurs d’opter pour des fonds en euros « dynamiques », gérés dans des cantons distincts de l’actif général, et censés allier une sécurité en capital avec une espérance de rendement supérieure à celle des fonds en euros classiques. Cette pratique fut ainsi développée par la société ACMN Vie qui décida toutefois en 2013 de regrouper ses principaux fonds cantonnés au sein de deux fonds en euros.

Selon l’ACPR, ces regroupements aboutissaient à une modification contractuelle qui, faute d’être constatée par avenants, était inopposable aux preneurs en vertu de l’article L. 112-3, alinéa 5, du code des assurances. Contestant ce grief, l’assureur poursuivi soutenait que le texte précité n’instituant qu’une exigence de preuve, sa méconnaissance ne pouvait donner prise à une sanction disciplinaire. En outre, convoquant la jurisprudence de la Cour régulatrice, il arguait que cette exigence était subordonnée à l’effet restrictif de la modification sur les garanties consenties, ce que la fusion litigieuse n’emportait guère. Ces divers arguments n’ont pas convaincu la commission des sanctions.

En premier lieu, elle rappelle que l’ACPR est compétente pour contrôler le respect de toutes les dispositions du code des assurances, fussent-elles comprises dans son livre 1er. (…) En second lieu, la fusion des fonds cantonnés conduisait à priver unilatéralement les souscripteurs d’une gestion différenciée de leurs cotisations et, corrélativement, d’une participation spécifique aux bénéfices. (…)

Cette décision confirme que le pouvoir disciplinaire de l’ACPR n’est pas limité aux infractions touchant la règlementation des producteurs et des distributeurs, mais embrasse également les atteintes au droit des contrats d’assurance. L’angle singulier sous lequel elle traite ces atteintes peut alors mener la commission des sanctions à consacrer une solution différente de celle que prendrait un juge saisi de faits similaires. Lorsqu’il ne crée pas du droit souple concurrençant le droit dur, le régulateur livre de ce dernier une lecture originale en marge de l’interprétation judiciaire. La protection de la clientèle impose décidément une subtile gymnastique exégétique ! »