Assurance-vie : la fin des renonciations abusives

A

 

Loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 (art. 5) modifiant l’article L. 132-5-2 du code des assurances, commentaire par le Professeur Pierre-Grégoire Marly, L’Essentiel du droit des assurances (LEDA) février 2015, p. 1

 

EXTRAIT

« (…) la loi DADDUE du 30 décembre dernier modifie en ces termes l’article L. 132-5-2 du code des assurances : « Au sixième alinéa de l’article L. 132-5-2 du code des assurances, les mots : « de plein droit » sont remplacés par les mots : « , pour les souscripteurs de bonne foi, » ».

Infime retouche en apparence, cette modification est en réalité considérable puisqu’elle contrecarre la position fort discutable que soutient la Cour de cassation depuis 2006 : « l’exercice de la faculté de renonciation prorogée, ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l’assuré des documents et informations énumérés par ce texte (i.e. anc. art. L. 132-5-1) est discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise. » (Cass. 2ème civ., 7 mars 2006, n° 05-12.338, n° 05-10.366 et 05-10-367, Bull. II n° 63 p. 57). (…)

Sur le fond, d’une faculté discrétionnaire, dont l’exercice n’est subordonné à aucun motif, les hauts magistrat ont donc fait une prérogative arbitraire, dont l’exercice est insusceptible d’abus. Or, s’il se conçoit qu’un droit de repentir soit inconditionnel lorsqu’il s’autorise d’un délai de réflexion (CJCE, 22 avril 1999, aff. C-423/97, Travel Vac.), un tel absolutisme ne se justifie plus lorsque ce droit est octroyé à titre de sanction. Du reste, par son automaticité, cette sanction tendrait à ériger le formalisme informatif auquel elle s’applique en une véritable solennité (Cf. P.-G. Marly, « La vigueur du formalisme informatif dans l’assurance sur la vie », RDBF, sept.-oct. 2006, p. 47). Or, ce formalisme n’a jamais été envisagé comme une condition de formation du contrat, mais comme le support de l’une d’elles : le consentement du souscripteur.

Aussi, en rétablissant l’exigence de bonne foi, dont l’appréciation restent toutefois à éprouver, le législateur renoue avec le sens premier de la protection du preneur dont l’information par le professionnel doit réduire l’infériorité technique dans un dialogue précontractuel que le principe d’autonomie de la volonté postule équilibré. Cette infériorité n’est toutefois que présumée, de sorte qu’un défaut d’information ne devrait théoriquement être sanctionné que si le consentement protégé s’en est trouvé altéré. Sans égard vis-à-vis de ce critère subjectif, la protection de l’assuré confine à la discipline de marché dont la régulation saisit les contrats qui s’y déploient comme les maillons d’un processus anonyme d’échanges plutôt que comme les rencontres négociées de volontés individuelles. (…)  »

 

Par Pierre-Grégoire Marly