La mise en oeuvre du nouveau devoir de conseil dans la commercialisation de l’assurance vie

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La mise en œuvre du nouveau devoir de conseil dans la commercialisation de l’assurance vie, Revue Trimestrielle de Droit Financier (RTDF) 2010/2, p.99

RESUME

« L’obligation de conseil introduite par l’ordonnance n° 2009-106 du 30 janvier 2009 se consomme par la réalisation de deux opérations successives.

La première consiste, au moyen d’un questionnaire idoine, à recueillir et préciser par écrit les exigences et besoins du preneur éventuel[1]. Pour le professionnel qui s’y livre, cette démarche relève de la maïeutique : le questionnaire ne se réduit pas à la réception passive d’informations puisqu’à partir de celles-ci, le distributeur devra permettre au client de formuler clairement ses attentes. Envisagée un temps dans le projet de décret, une liste exhaustive de renseignements à collecter auprès du prospect ne semble finalement pas retenue. Il revient alors à chaque professionnel concerné d’élaborer un questionnaire suffisamment précis pour sonder au mieux la situation et les aspirations de l’éventuel contractant. Concrètement, le degré d’investigation devra être modulé en fonction de la nature et la sophistication des contrats proposés.

Seule mention incontournable, évoquée plus haut, le postulant à l’assurance doit indiquer son niveau de connaissance et d’expérience en matière financière. A cet égard, deux difficultés ne manqueront pas de s’élever en pratique : la première tient à l’appréciation de ce niveau, la seconde, aux conséquences qu’il en faut déduire. De fait, en l’hypothèse, sans doute la plus répandue, où les compétences financières d’un client seraient estimées faibles ou médiocres, le distributeur devra-t-il s’abstenir de lui recommander la souscription d’un contrat d’assurance vie libellé en unités de compte ?

Par ailleurs, la prise de connaissance du souscripteur potentiel n’est pas sans recouper l’obligation de vigilance pesant sur les assureurs et leurs intermédiaires dans le cadre de la lutte anti-blanchiment[2]. Rappelons que dans sa version « standard », cette obligation engage son débiteur à identifier le client ainsi que le « bénéficiaire effectif » de l’opération sollicitée, mais aussi à recueillir les informations relatives à l’objet et la nature de cette opération ainsi que tout autre renseignement pertinent sur le client[3]. C’est dire que des données identiques seraient collectées à des fins diamétralement opposées, l’une commerciale, l’autre préventive. Or, si le consommateur est enclin à se dévoiler en la première circonstance, il est beaucoup plus réticent dans la seconde.

A quoi s’ajoute que l’attitude requise du professionnel confronté à cette réticence varie sensiblement d’un régime à l’autre : la lutte anti-blanchiment lui intime, sous quelques réserves, de refuser ou cesser toute relation d’affaire avec le client récalcitrant[4], là où le nouveau devoir de conseil lui impartit une simple obligation de mise en garde avant de conclure le contrat envisagé[5]. Cette mise en garde contraste d’ailleurs singulièrement avec l’obligation d’abstention qui pèse en pareilles circonstances sur les prestataires se livrant à un service de conseil en investissement[6]. En outre, son objet semble incertain : faut-il seulement avertir le preneur d’un risque d’inadaptation du contrat souscrit à sa situation où l’instruire sur les risques inhérents à ce contrat ? « 


[1] C. Ass., art. L. 132-27-1 I.

[2] Signalons que certains intermédiaires d’assurance sont exemptés du dispositif anti-blanchiment. Ainsi en est-il des agents généraux et des mandataires d’assurance qui agissent sous la responsabilité de l’assureur qu’ils représentent (C. Mon. et Fin., art. L. 561-2 2°). De même, sont exemptées les personnes dont l’activité d’intermédiation en assurance, peu exposée au risque de blanchiment, satisfait à la définition réglementaire d’ « activité financière accessoire » (C. Mon. et Fin., art. R. 561-4).

[3] C. Mon. et Fin., art. L. 561-5 et L. 561-6, art. R. 561-12.

[4] C. Mon. et Fin., art. L. 561-8.

[5] C. Ass., art. L. 132-27-1 I.

[6] C. Mon. et Fin., art. L. 533-13 et L. 541-4.

Par Pierre-Grégoire Marly